Style

16 juillet 2019

Bijoux « genderless »

Effacer les frontières ancestrales entre l’homme et la femme reste encore un épiphénomène dans le bijou.

 

 

Pendant la Jewelry Week 2019, deux nouvelles collections ont ignoré les frontières homme/femme. Les chaînes de Charlotte Chesnais et Ben Gorham, fondateur de Byredo : formées par deux types de maillons représentant le féminin et le masculin, elles sont unisexes autrement dit « no gender ». Explication simple de la créatrice : « je voulais une collection que je puisse porter et Ben aussi. » Propos plus audacieux chez Ana Khoury : la double créole en émeraudes présentée sur un homme, quasiment la même que celle en diamants portée par les filles.

 

La frontière homme/femme demeure

Les bijoux sont essentiellement pensés pour les femmes et leurs communications, aussi. Hormis les boutons de manchette, les joailliers traditionnels proposent parfois aux hommes des collections dédiées en partant de l’idée préconçue qu’un bijou trop féminin ou empierré ne plaira pas. À l’exception de quelques-unes comme celle de David Yurman, elles sont stéréotypées, sans force et sans puissance. Cette demi-mesure est loin d’être en phase avec les goûts des générations influencées par le style Hedi Slimane ou Virgil Abloh. Elles sont à des années lumière de la mode présentée en juillet dernier par Jacquemus, J.W. Anderson ou encore Louis Vuitton : des hommes androgynes défilaient en jupes amples, pulls rose dragée ou pantalons à fleurs.

 

Un choix de bijou homme encore limité

Face à cette absence de propositions, les hommes piochent dans des collections « Trinity », « Juste Un Clou » et « Clash » chez Cartier, « Perlée » chez Van Cleef & Arpels, « Jack » chez Boucheron, etc. Ils se tournent vers les marques de bijoux très épurés et donc unisexes comme Marc Deloche, Mené ou Le Gramme : joncs, manchettes, anneaux en or poli, brossé, etc. Et pour ceux qui aiment les pierres précieuses ? Direction le label japonais Ambush dont la créatrice Yoon Ahn (aussi en charge des bijoux Dior Homme) revendique une joaillerie gender-defying ou la marque française Persta. Chez cette dernière, toutes les bagues sont proposées en grande taille, y compris celles en nacre, perles, diamants, etc. Une démarche « genderless » naturelle pour les fondateurs Olivier et Guilhem, des jumeaux d’à peine 30 ans.

 

Le temple du « genderless »

Même si on le désigne généralement comme le concept-store spécialiste du bijou pour homme, Madlords (évocation de Lord Byron le célèbre dandy du 19ème siècle) s’avère être le temple du bijou « genderless ». L’ensemble de la sélection faite par Serge et Caroline Müller va dans ce sens et pas seulement les têtes de mort et les médailles : fille et garçon ont envie de porter la néo chevalière avec une opale centrale d’Alexandra Abramczyk, les bagues ornées de fleurs de lys de Laura Sayan ou encore les bracelets de De Jaegher. Si ce n’est pour une question de taille, on se demande pourquoi le site présente une classification par genre…

 

Les ambassadeurs du « genderless »

En son temps, Karl Lagerfeld a beaucoup fait pour la convergence des genres en matière de bijou : il a détourné les broches en épingles à cravate, adopté les sautoirs (dont ceux de Aaron Jah Stone) et les chevalières en diamants. Il a été suivi par Pharell Williams. Aujourd’hui Gherardo Felloni et Alessandro Michele (respectivement directeurs artistiques de Roger Vivier et de Gucci) décloisonnent définitivement les genres : ils plébiscitent les atours des élégantes du 19ème siècle, les diadèmes, les plastrons avec des camées en micro-mosaïque, les pendants d’oreilles fluides en diamants, etc.

 

La joaillerie enfin libérée des diktats du genre ? Joailliers, encore un peu d’audace !

 

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Image en bannière © Cartier

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