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16 janvier 2018

Gas et son atelier-bohème

Chez Gas, visite de l’atelier situé sur les hauteurs de Marseille. Là, bat le cœur de la marque au style « chic solaire ».

 

 

Après un déjeuner au son des cigales, sous la pergola de la maison familiale, j’ai entamé la visite de l’atelier Gas situé dans le dédale de ruelles alentours. Il y a plus de 50 ans, André Gas a commencé à y faire des bracelets porte-bonheur et des colliers inspirés par ses voyages. Il y règne la même décontraction et le même joyeux bric-à-brac de boîtes, d’étagères, de placards regorgeant de perles, de sequins, de plumes, de chaînes, de filigrane en provenance d’Inde, du Mexique ou encore de Madagascar.

 

Un atelier, un style

Cet atelier avec vue sur la Méditerranée, est le centre névralgique de la marque, l’essence de son style « chic solaire ». Sur les établis, on y voit les bijoux emblématiques : les semainiers en métal argenté, les bracelets à breloques, les colliers en micro-perles colorées et les pendants d’oreilles à franges. Les joncs en métal recouverts de python colorisé, de fils de coton, de chaînettes côtoient les créoles en laiton doré. Parmi les best-sellers figure la paire de boucles d’oreilles en plumes. Elle se décline en fuchsia, vert fluo, turquoise. Elle est crantée, strassée et ponctuée de perles en émail. Vendus entre 30 et 450 euros, tous ces bijoux sont joyeux et cliquetants, colorés et voyants.

 

Le reflet du fondateur

André Gas est une personnalité en voie de disparition. Non-formaté, cet autodidacte septuagénaire infatigable est guidé par son énergie et son intuition. « J’ai commencé à vendre ses bijoux pour financer mes études aux Beaux-Arts. J’adorais la gravure mais, en mai 68, la place de l’artiste a sérieusement été remise en question. En plus, mon atelier a été réquisitionné pour imprimer les affiches contestataires. » Il vend ses bijoux sur les plages de Saint-Tropez où il ouvre sa première boutique, en 1971. Il fabrique ce qu’il vend, il vend ce qu’il fabrique. « Et le soir, je modifiais les modèles en fonction des remarques de mes clientes. »

 

L’exception dans un univers standardisé

Rien n’a changé ou presque… Seules les grandes productions de bijoux ont été délocalisées à l’étranger. L’atelier continue à lancer et à superviser les autres séries, souvent réalisées à partir de matières rapportées par André Gas, de ses voyages. Loin d’être de simples exécutants, les artisans participent à la création et sont aussi libres d’interpréter et de modifier les modèles. Ainsi la couleur de l’émail ou des plumes peut dépendre de leur humeur et de leurs envies ! Ce qui explique les surprises contenues dans les colis envoyés chaque jour au show-room parisien, on n’est jamais sûr de ce que l’on va y trouver. « Elles sont ensuite dispatchées dans les boutiques du monde entier », explique Olivier Gas.

 

Une offre mondiale non uniformisée

Olivier Gas a rejoint son père il y a 20 ans tout comme sa sœur, Marie, chargée des orientations artistiques. « La priorité a été de préserver ce mode de fonctionnement atypique malgré les 12 boutiques et 500 points de vente. » Particularité rarissime pour une marque internationale de bijoux fantaisie : les assortiments proposés à Marseille, New York, Téhéran ou Tokyo sont en partie différents. Ils continuent ainsi à séduire les afficionados, celles qui passent tous les jours devant la boutique ou celles qui voyagent. Cette stratégie a également été étendue au e-shop grâce aux rubriques « Pièces uniques » et « Fraîchement sortis de l’atelier », souvent dévalisée dans l’heure. Ainsi chez Gas, rien n’est 100% normé, ni prévisible. Et pour une fois, il ne s’agit pas d’un story-telling galvaudé : il existe encore bel et bien cette liberté et ce grain de folie émanant de l’atelier marseillais, l’antre d’André Gas.

 

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