Business

27 août 2021

Jay-Z et Beyoncé, les deux faces de la campagne Tiffany & Co.

Apparemment bien sous tous rapports, la campagne publicitaire « About Love » avec Jay-Z et Beyonce crée cependant la polémique. De quoi en faire une réussite totale…

Par Sandrine Merle.

 

 

Version papier glacé

La presse traditionnelle est dithyrambique : le renouvellement du joaillier Américain Tiffany & Co. propriété du groupe français LVMH orchestré par Alexandre Arnault (la relève de Bernard Arnault) est une réussite. Elle multiplie les buzz comme celui du poisson d’avril sur les réseaux sociaux annonçant le remplacement de son bleu-signature par du jaune ou de l’excellent slogan « Not your mother’s Tiffany ». Celle-ci intitulée « About Love » avec Beyoncé et Jay-Z est un coup de maître : happenings et références s’y croisent et s’y entrecroisent. C’est la première fois que le couple pose ensemble pour une campagne publicitaire. Elle, porte le diamant jaune de 128,54 carats appartenant à Tiffany & Co. avec une robe noire, allusion à celle d’Audrey Hepburn dans « Breakfast at Tiffany’s ». Le rappeur-producteur, en cosplay de Basquiat, porte la broche de Schlumberger. En arrière-plan, la toile  » Equals Pi  » de l’artiste Basquiat rachetée par le joaillier pour sa couleur bleue faisant écho au sien. On imagine déjà l’œuvre en majesté dans la boutique de la Ve Avenue actuellement en travaux (réouverture prévue pour 2022). Et d’applaudir la créativité, l’« ultra glamour » et tous les symboles associés. Tout y est, avec cette campagne Tiffany & Co. poursuit son engagement envers les minorités : non seulement Beyoncé est la première femme noire à porter ce diamant mais en plus, le joaillier reverse 2 millions de dollars pour les Historically Black Colleges and Universities. De quoi séduire une clientèle plus diversifiée et plus jeune, issue de la génération Z.

 

Ruba Abu-Nimah, nouvelle creative director de Tiffany & Co.

 

Version critique

Sur les réseaux sociaux, le ton est moins complaisant, certains soulèvent de fâcheuses questions. Sur l’art d’abord… L’achat de cette toile dont le prix n’a pas été dévoilé mais que bien des musées ne peuvent s’offrir pose la question de l’accès à l’art et de la récupération commerciale des œuvres. Pour eux, « Basquiat doit se retourner dans sa tombe ! » Mais la polémique n’est pas nouvelle comme en témoignent celles apparues avec les sacs Louis Vuitton avec Murakami ou pire, ceux imprimés de La Joconde ainsi que les fondations Pinault et Arnault. Sur le choix de ce couple pour célébrer l’amour… Milliardaires et hors de prix, Jay-Z et Beyoncé ne seraient là que pour l’argent. D’ailleurs, LVMH vient d’acheter 50% des parts d’Armand de Brignac, la marque de champagne de Jay-Z. On reproche aussi à Beyoncé de plébisciter un diamant du sang « volé » à l’Afrique du Sud en 1877, en pleine période coloniale. Faut-il prendre parti ? Les esprits critiques savent depuis longtemps que le « capitalisme de la séduction » fonctionne à la récupération. Cette campagne annihile dans la sphère de la représentation toutes les polarités réelles : institution/contre-culture, art/argent, Fifth Avenue/Underground, culture WASP/Black Lives Matter, Baby Boomers/générations Y et Z, etc. La quintessence du capitalisme donc. Mais qu’ils ne l’oublient pas : la polémique est la meilleure publicité qu’ils puissent faire à Tiffany & Co., qui plus est gratuite.

 

« About Love » est donc plus qu’une réussite.

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