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23 juin 2021

Brenda Kang, le vintage en Asie

Experte en bijou vintage, Brenda Kang a ouvert sa boutique Revival Jewels à Singapour. Un passage obligé pour tous les collectionneurs asiatiques et particulièrement Chinois.

By Sandrine Merle.

 

 

Sandrine Merle. En 2013, Singapour était-elle la meilleure place pour ouvrir une boutique de bijoux vintage ?

Brenda Kang. Probablement pas ! Tout le monde me conseillait d’ouvrir plutôt Hong Kong où la culture du bijou est plus développée. Ici où il fait très chaud toute l’année, le bijou ne se prête pas à nos tenues casual et les taxes sont très élevées. Mais je voulais rentrer à la maison après avoir beaucoup voyagé pour Christie’s. J’ai habité à New-York, Paris, Milan, Shanghai ou encore Genève. J’ai aussi pu développer une clientèle en Chine grâce à mes anciens clients et au bouche à oreille, grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Chaque année, je fais ainsi 3 ou 4 trunk shows à Hong Kong.

 

S.M. Travailler chez Christie’s a été une excellente école ?

Brenda Kang. La meilleure ! J’y ai passé 15 ans avec une période hyper excitante de 2006 à 2009. J’étais basée à NYC où je travaillais pour le département de Hong Kong : tout allait très vite, je voyais des centaines de pièces par jour dont de magnifiques comme celles du collectionneur Esmerian. À ce moment-là, la crise sévissait dans le monde et le marché chinois se développait énormément. Les clients investissaient avec une seule question en tête : combien pourraient-ils revendre bracelets en diamants et colliers de rubis et de saphirs ? Ils ne comprenaient pas la valeur artistique de signatures comme René Lalique ou Castellani et pourquoi payer $100 000 pour de l’émail.

 

S.M. Pourtant vous présentez un panorama allant du XIXe siècle au XXe siècle, de René Lalique à Cartier en passant par Belperron, Sterlé et Elsa Peretti.

Brenda Kang. Ils représentent ce que j’aime ! Les clients chinois ont absorbé les informations à une vitesse folle rivalisant ainsi avec ceux de Hong-Kong ou de Taiwan. Leur porte d’entrée dans le vintage a été l’Art déco, une période facile à comprendre car les pièces sont symétriques, en diamants et platine. Avec un bijou de prédilection, le double-clip. Mais les prix astronomiques (même pour des pièces non signées) les incitent aujourd’hui à se tourner vers d’autres époques. Les réseaux sociaux jouent aussi un énorme rôle dans la démocratisation du vintage, surtout Wechat et XiaoHongShu (Little Red Book), sorte d’Instagram ultra populaire. Les influenceurs portent des bijoux ce qui donne des idées à mes clients : ils m’envoient des captures d’écran pour que je trouve des pièces similaires. Jusqu’alors marché de niche, le bijou du XIXe monte en puissance avec un énorme succès des broches-fleurs (surtout montées en trembleuses, très amusantes) et les colliers transformables en bracelets ou en diadèmes. Ils se portent lors des mariages et des anniversaires comme l’a fait une de mes clientes pour ses 50 ans. Et l’or jaune profite que l’on sorte moins car il va avec tout que l’on soit plus ou moins habillé.

 

S.M. Avez-vous des concurrents sur ce marché asiatique ?

Brenda Kang. À Singapour, les maisons de vente aux enchères. À Hong-Kong, un ou deux marchands comme moi. La concurrence vient aussi des réseaux sociaux : beaucoup de jeunes femmes chinoises vivant à l’étranger s’improvisent marchands sans avoir aucune culture du bijou. Mais leur business fonctionne bien car elles proposent des pièces dans les $5 000 ce qui, pour la majorité des Chinois, n’est rien. À peine ce qu’ils dépensent pour un sac.

 

Bijoux anciens : un engouement inédit en Chine

 

S.M. Le monde semble plus que jamais divisé en deux…

Brenda Kang. Je source les bijoux vintage aux US et en Europe et je les vends en Asie. C’est assez logique : d’un côté, on trouve les anciens collectionneurs et les grandes familles, de l’autre un marché en pleine expansion. Avec les confinements, l’impossibilité de voyager et les prix déments atteints dans les ventes aux enchères, j’ai diversifié mes sources : j’achète occasionnellement sur ce nouvelles plate-formes réservées aux marchands et également sur des plus petites maisons de ventes aux enchères que je suis sur les réseaux sociaux.

 

Acheter et vendre des bijoux restent définitivement une histoire de rencontre ce qui dans le futur rendra les salons plus que jamais incontournables.

 

revivaljewels.com

 

Image en bannière : broche en diamants Bulgari, broche en or et Serti Mystérieux rubis Van Cleef & Arpels, collier en or et diamants Van Cleef & Arpels et broche en diamants

 

Merci à Marie-Laure Cassius-Duranton

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