Itinéraires joailliers

20 janvier 2016

Le musée de l’Or de Bogotá

La mauvaise réputation de la Colombie explique la faible renommée du musée de l’Or de Bogotá alors qu’il possède la plus importante collection d’orfèvrerie préhispanique du monde.

Par Ludovic Leonelli.

 

 

Le musée possède 35 000 objets en or datant de 500 ans avant J.-C. jusqu’à la conquête espagnole, mais seulement 5% de l’ensemble sont exposés. Parmi les pièces majeures, on peut admirer un masque de jaguar en feuille d’or martelée, plissée, concassée, un grand coquillage, un casque de guerrier ou encore un pectoral figurant un homme-oiseau.

 

Ce musée de l’or a dédié un espace entier à la pièce en or la plus exceptionnelle. Surprise : elle est de très petite taille (20 cm de haut sur 10 cm de large). Elle représente un radeau de roseaux, à partir duquel un chef Muisca entouré de serviteurs jette de l’or et des émeraudes dans un lac Guatavita. Cette cérémonie donna naissance au mythe de l’El Dorado colombien, qui éveilla la soif d’or des Européens et les poussa à la recherche de ce lac qui existe réellement en Colombie.

 

Muiscas, Tolimas, Calimas, Narino, Quimbaya (qui utilisaient la technique de la cire perdue), Zinu ou Tayronas : l’ensemble des communautés indigènes de Colombie est représenté par des ornements de corps comme des couronnes, des pectoraux, des ornements de nez, des colliers et des pendentifs, des cache-sexe. Créés pour les caciques et les chefs de village, beaucoup ont été retrouvés dans des tombes ou dans des sarcophages sculptés dans un tronc d’arbre. Certaines communautés pensant qu’elles étaient enfants du Soleil, croyaient s’assurer grâce à ces objets, une protection dans l’autre vie.

 

Au fil des salles, on retrouve les oppositions classiques Soleil/Lune, masculinité/féminité, terre/eau. Les motifs sont des figures abstraites ou des animaux, oiseau à long bec, pélican, poisson, grenouille, jaguar, félin, papillon et chauve-souris appelée « soleil noir » par les Indiens. Les hybridations sont magnifiques comme cette sculpture aérodynamique entre le poisson et l’oiseau. Ces sociétés préhispaniques excellaient dans la métamorphose, l’entremêlement de l’humain, de l’animal et du divin. Ainsi l’homme-jaguar tente de s’approprier la force, la souplesse et l’esprit de l’animal grâce à un masque doré ou en revêtant sa peau, en se tatouant le visage pour lui ressembler ou en portant des ongles longs comme ses griffes.

 

La dimension anthropologique est inséparable de la dimension esthétique, même s’il faut le reconnaître, aucune pièce n’est aussi sophistiquée que le masque de Toutankhamon… Le visiteur était venu pour l’or, il repart plein d’interrogations sur ces sociétés précolombiennes sans écriture.

 

Ludovic Leonelli est journaliste et l’auteur de La Séduction Baudrillard (Éditions de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts).

 

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